La critique publique émanant d’un professionnel : oui, mais pas n’importe comment

Le 25 mai dernier, la Cour d’appel a confirmé l’analyse et les décisions du Conseil de discipline du Barreau du Québec concernant une plainte sur des propos tenus publiquement par une avocate[1]. Essentiellement, la question était de déterminer si une avocate avait commise une infraction déontologique en tenant des propos qui critiquaient le système judiciaire (elle a dit que la Chambre de la jeunesse fonctionnait en vase clos, que le DPJ obtenait ce qu’il voulait la majorité du temps et a comparé la position des parents à celle de David contre Goliath). Le débat se situait au niveau des limites qui peuvent être imposées à la liberté d’expression d’un avocat en raison de ses obligations déontologiques.

La Cour retient que l’avocate a commis une faute déontologique en tenant des propos qui laissaient croire au public que les dossiers présentés en Chambre de la jeunesse souffraient d’iniquités envers les parents et en mettant en doute l’objectivité et l’intégrité du tribunal et des avocats qui représentent les enfants devant le tribunal.

La Cour d’appel précise que ce n’est pas le fait de critiquer le système judiciaire qui est en soi une faute, mais plutôt la portée d’une telle critique. Une critique doit être constructive à la lumière des attentes raisonnables du public quant au professionnalisme dont un avocat doit faire preuve[2]. Ce ne sera pas le cas d’une critique qui est purement négative, qui touche à des valeurs fondamentales du système judiciaire et qui ne semble pas reposer sur des assises raisonnables ou qui ne comporte aucun renseignement de nature à informer le public.  

Que retient-on de cette décision?

Être membre d’un ordre professionnel entraîne ses avantages, mais également son lot d’obligations. Dans certains cas, ces obligations pourront venir imposer des limites à des droits garantis par la Charte qui seront plus sévères que celles imposées à de simples citoyens. Pour les avocats par exemple, ceci peut provenir du fait que simplement en raison de leur statut, le public général aura tendance à accorder une plus grande valeur ou crédibilité à leurs critiques du système judiciaire.

Le professionnel qui souhaite critiquer le système dans lequel il œuvre ne devrait pas s’empêcher de le faire. Cependant, il doit le faire de manière responsable, modérée et constructive. Quelque chose vous embête? Rappelez-vous que vous avez des connaissances que d’autres n’ont peut-être pas. Profitez-en pour creuser la question, chercher des pistes de solutions et si vous voulez partager vos critiques, faites attention de rester constructif et de ne pas généraliser!

 

[1] Drolet-Savoie c. Tribunal des professions, 2017 QCCA 842.

[2] Ibid., Para. 46.